Résumé
La commune de Wassoulou-Ballé (avec Yanfolila comme chef-lieu de commune) dans la région de Bougouni abrite plusieurs sites d’orpaillage. Parmi les différentes formes d’extraction de l’or se trouve le dragage, une pratique à laquelle font recours de nombreuses personnes, notamment les jeunes et les femmes. Ils perçoivent cette activité comme pourvoyeuse d’argent pendant la saison sèche diminuant ainsi le chômage et la délinquance des jeunes. Le dragage est une pratique importante dans cet orpaillage. Il consiste à extraire le matériau du lit de la rivière draguée et à séparer la petite fraction de sable (où se trouve l’or) de la plus grande fraction minérale. Le plus souvent, les dragueurs font recours au mercure pour faciliter cette séparation. C’est une forme d’exploitation de l’or qui est beaucoup pratiquée à telle enseigne qu’elle a provoqué de vives inquiétudes chez une bonne partie de la population. Par exemple, la majeure partie de nos 213 répondants trouvent que le dragage est une mauvaise pratique. Ils mettent l’accent sur ses inconvénients à savoir la destruction de tout un écosystème et de la biodiversité. Qu’à cela ne tienne, nous avons une autre partie bien que minoritaire de l’échantillon qui se base sur des considérations économiques pour défendre le dragage. Ce sont ces perceptions qui constituent la substance de cette recherche.
Film
Qu’est-ce que le dragage apporte à la communauté ? Le film ‘Le dragage a Yanfolila sur le fleuve Ballé’ par reporter Moussa Sangaré montre différentes perspectives.
Au Mali, les sites miniers situés au sud du Mali sont exploités de multiples façons parmi lesquelles le dragage ou la drague. Cette dernière est utilisée pour exploiter de l’or dans les cours d’eau. Elle est une pratique controversée qui est aujourd’hui la source de nombreux conflits entre les populations locales et certains exploitants miniers. La commune de Wassoulou Ballé n’échappe pas à cette réalité. Située dans le cercle de Yanfolila, la commune de Wassoulou-Ballé compte 37 villages avec une population estimée à 59 838 habitants (Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2013). Cette population est active dans l’agriculture, l’élevage, la pêche, le commerce, l’orpaillage et l’artisanat. La commune n’est pas encore confrontée à l’insécurité liée au djihadisme. Cependant, force est de constater que le banditisme, la délinquance, le braquage à main armée sont quelques maux qui minent le quotidien des populations.
L’objectif de cette étude est de comprendre ce que c’est le dragage comme forme d’exploitation de l’or, son impact sur l’environnement et la société dans la commune rurale du Wassoulou-Ballé. Pour ce faire, nous nous sommes posés certaines questions de savoir dans quelle mesure le dragage est pratiqué dans la commune de Wassoulou-Ballé? Quels sont les impacts du dragage dans la commune de Wassoulou-Ballé, surtout les conséquences sur ceux qui vivent du fleuve, notamment les pêcheurs ? Quelle est la perception des populations sur la pratique du dragage dans la commune ?
Approche méthodologique
Les activités de terrain de cette étude ont été réalisées en mois d’Octobre 2021, sur la base d’un échantillon de 237 personnes dont 24 entretiens qualitatifs et 213 enquêtes quantitatives. Pour mener la recherche, les chercheurs ont adopté une approche mixte qui a consisté pour eux à combiner la recherche qualitative et quantitative pour faire de la collecte des données et l’observation simple. Pour l’aspect qualitatif un guide d’entretien a été élaboré et utilisé pour notre cible. En ce qui concerne l’aspect quantitatif, un questionnaire a été élaboré à cet effet et utilisé via Google Forms.
L’observation a consisté à se rendre sur le pont Ballé qui se trouve à 5 km de la ville, et prendre la pirogue pour constater de près comment ce fait le dragage et échanger avec les propriétaires qui ont expliqué comment se fait l’extraction de l’or sous l’eau.
Parmi les répondants on y trouve des leaders de femmes, des jeunes, des groupements des Bozos. Cet échantillon a été inclusif en termes de genre, les femmes qui vivent de la pêche dont le dragage nuit à leur quotidien ont été interviewées ainsi que certaines femmes leaders qui ont fait part de leur point de vue sur le phénomène avec un taux de 26% des enquêtés.
De l’orpaillage à la main/daba à l’utilisation des dragues
A Wassoulou-Ballé comme dans tous les autres terroirs de Wassoulou, l’orpaillage est une activité qui a longtemps été pratiquée de façon très artisanale au départ. Elle était faite par la daba et maintenant nous constatons des moyens plus sophistiqués comme le cas des dragues. Mme Traoré A.M. Diakité, monitrice au jardin d’enfant à Yanfolila Dougoukoro, nous fait savoir qu’ :
« Il n’y a pas un seul endroit à Wassoulou où l’or n’existe pas, même dans la ville, auparavant nos vieilles mères balayaient pour subvenir à leur besoin tout le monde sait ça à Wassoulou. Elles balayaient, ramassaient les banco et traitaient, après ça ils sont maintenant à l’utilisation de daba, cette pratique ne gâte pas, même si ça gâte il est facile de trouver un moyen pour réparer les dégâts mais avec les dragues sur le fleuve. Le dégât est énorme. »
Monsieur B. Diallo, orpailleur traditionnel et membre de l’association des orpailleurs traditionnels du Mali à Faragouaran, une commune du cercle de Bougouni, va dans le même sens quand il affirme qu’avant les dragues l’orpaillage se faisait autrement à main. Il explique les différentes phases de la pratique :
« La manière de recherche d’or que nous avons chez nous ici dont nous sommes nés trouvé avec nos parent elle se fait à la mains avec les sols dont on appelle ‘Narakanbô’. Aujourd’hui avec l’avènement d’un autre mode d’exploitation qu’on appelle ‘Woyon’ il y’a eu des innovation qui ont conduit à l’avènement des machines et autres comme les dragues et le travail sur les ‘brobro’ le traitement du reste des débris de pierre acheté par les femmes qui trouve beaucoup ici. Et le nouveau dans tout ça c’est la venue des dragues dans la zone avant on ne connaissait pas cette pratique. A un moment, la direction nationale de la géologie et des mines était venu ici à Wassolo pour des recherches sur les rives de notre fleuve concernant l’or. Ces personnes aussi après leur recherche se sont lancé dans cette pratique de dragage sur notre fleuve ici à Wassolo et depuis lors tous ceux qui ont un peu et que se sont rendu compte de ce que peut rapporter un drague s’est lancer dans ce domaine. Certain s’est misent même en équipe pour l’acheter et voilà pourquoi ces machines sont maintenant nombreuses ici à Wassolo. »
Selon B. Coulibaly, un résident au bord du fleuve, le drague est une machine qui extrait de l’or. C’est une machine qui est trop chère qui peut couter 5 million, et fabriquée à Bamako. Les utilisateurs travaillent dans le fleuve avec le tuyau, des planches pour laver la boue, ils sont sur le fleuve et creusent un puits sous l’eau dans lequel ils exploitent de l’or et c’est ce qui pollue l’eau. Ils travaillent en équipe, il y a d’autres qui vont en bas de l’eau qu’ils les appellent plongeurs et d’autres sont dans l’eau d’autres sont en haut.
Les dragage à Wassoulou Ballé: Une pratique récente, importée en voie d’androgénisation
La pratique du dragage est une pratique récente dans la zone. Le début de la pratique remonte des années 2011-2016 c’est une pratique importée et les acteurs étaient essentiellement au départ des personnes venus d’ailleurs. Ainsi selon B. Diawara :
« Depuis 2011 j’ai connu le dragage dans la commune de Wassoulou-Ballé. C’est à partir de 2015, 2016 que nous avons constaté l’arrivée progressive des dragues dans nos communes. »
Pour B. Diallo, « Ceux qui l’exercent en première ici sont des gens qui viennent d’une autre zone mais il y’ en de nos parents qui le font aujourd’hui. Sinon dragage n’était pas connu de chez nous c’est les chinois qui l’ont commencé dans la zone de Kéniéba région de Kayes où ils ont causé beaucoup de torts. ll existe une association dénommée ‘Djogo ni maya’ eux ils l’ont découvert vers le ‘Falémé’ une embouchure du fleuve Sénégal qui se trouve entre le Mali et le Sénégal. Ils ont détruit le fleuve de là-bas on les a connus c’était en 2013 2014. Ces dégât ont fait que le Sénégal à interdit les dragues sur sa partie du fleuve; ce qui fait que les dragueurs viennent en partie de ces zones. »
Pour B. Diawara, « La plupart sont des étrangers qui viennent par le fleuve Falémé et vers le Sénégal par ce que chez eux ils ont pu arrêter la pratique du dragage mais actuellement les habitants de Wassoulou ont tendance à se mêlé dans l’affaire. Mais les première pratiquant qui sont qu’amène arriver ici sont venues avec leur femmes et employer, il y’avait plus de femme que des hommes parmi eux bon arriver même ici ils ont même demandé d’autres jeunes filles avec les parents pour ce complète elles aussi elles étaient nombreuses. »
Il y en qui sont venus de la région de Mopti « Ils sont venus de la région de Mopti et y’a toutes sortes de race dedans, » selon Mme F. Sidibé, présidente de la Cafo de la commune de Wassoulou-Ballé. C’est ce qu’affirme aussi S. Sidibé : « D’après mes enquêtes il y a des résidents et des étrangers, la majeure partie vienne de la région de Mopti. Si on constate les jeunes, beaucoup quitte Mopti dans le centre du pays, quand je leurs ai demandé ils disent qu’ils sont là pour chercher de l’argent pour faire nourrir leurs familles qui se trouvent dans la difficultés. Il se trouve que nous avons nos parents dedans et les enfants d’autrui aussi qui ont quitté chez eux pour venir ici. »
A la question de savoir qui sont ceux qui pratiquent le plus le dragage, 72% des répondants affirment que ce sont les jeunes parce qu’ils ont la force physique et par chômage et ou sous-emploi. Les 64,7 % des répondants disent que ce sont les hommes qui organisent, contrôlent les travaux et emploient les jeunes. Les femmes ou jeunes filles sont employées dans le secteur. Généralement, leur travail consiste à laver la boue pour en extraire l’or ou elles sont cuisinières. Il y a toutes les ethnies dans les rangs des travailleurs. Pour certains répondants, la majeure partie des dragueurs viennent de la région de Mopti.
Comme le confirme le cas de K. Kantao, dragueur habitant à Yanfolila venu de la région de Mopti : « Je suis dedans ça fait 8 ans je suis avec ma famille ici j’ai ma femme ici mes enfants. Je suis Bozos et j’ai grandi dedans, j’ai 41 ans cette année. Je pratique [le dragage] ça fait 8 ans, j’ai fait plus de 30 ans je savais pas ce qu’est le dragage c’est à cause du conflit qu’on a quitté le nord, on est venu trouver que ça se fait et on a cherché les outils pour le faire parce que ça se fait dans l’eau donc c’est un travail de Bozo. »
Cependant il ne faut pas occulter les acteurs autochtones qui sont soit les jeunes filles qui y sont employés et les complicités internes comme le dit Mme Traoré A.M. Diakité : « Le sorcier ne vient pas dans une famille sans l’intervention d’un membre de la famille. » Et selon Mme B. K. Doumbia : « Au début ce n’était pas les résidents, c’était seulement les Bozos et ceux qui ont un contrat avec eux, mais tout récemment certains résidents de nos villages se sont associés à eux mais ils restent cacher, sinon il y a vraiment les habitants de nos villages mais toujours ils restent cacher. »
Perception locale sur la pratique du dragage
Les personnes enquêtées se sont exprimées sur leurs conditions de travail et leurs relations avec les autorités locales ainsi que la population. Selon eux, les dragueurs travaillent sous l’autorisation des maires et des chefs coutumiers mais qu’en cas de révolte d’une partie de la population contre eux, ces autorités n’interviennent pas en leur faveur alors que celles-ci (autorités communales, politiques et coutumières) prennent de l’argent avec eux.
On peut retenir deux tendances dans les perceptions sur le dragage dans l’orpaillage dans la commune de Wassoulou-Ballé.
La première a trait à ceux qui défendent le dragage et qui sont favorables à cette pratique d’orpaillage. Les tenants de cette tendance affirment qu’une seule drague peut employer plus de 20 personnes et chacune de ces personnes parviendra de par ce travail à subvenir à ses besoins et même améliorer ses conditions de vie. Ils se basent sur cet aspect économique pour soutenir que le dragage contribue plus à la réduction du chômage des jeunes que d’autres secteurs informels. Ainsi, à la question de savoir : « Quels sont les avantages du dragage ? » 52,8% de nos répondants affirment que le dragage réduit le chômage, car selon eux, il occupe les jeunes sans emploi, il contribue à diminuer la pauvreté et que l’or trouvé permet d’améliorer la condition de vie et de subvenir aux besoins de ceux qui travaillent dans ce secteur. Ils trouvent aussi que l’or gagné est une ressource qui peut contribuer au développement du quartier, du village en particulier, et du pays en général en augmentant sa richesse tout en favorisant son développement.
Cependant, selon K. Kantao : « On peut pas citer tous les avantages du dragage, 9 personnes travaillent avec une seule drague. S’ils travaillent toute la semaine, leur argent de nourriture est dedans, le carburant et après ils partagent le reste entre eux. Son avantage au mali, ce que le dragage a fait il n’a pas un autre travail qui fait ça. Sur chaque drague il y a un laveur qui est paye a 10000 f par semaine. Une femme, elles tamisent la boue comme on le fait avec le mil. Il y a aucun produit utilisé et on mets dans le seau. Par mois la cuisinière est payée à 50000. Après cela nos gasoils viennent d’ici dans la commune ou nous sommes, le cercle, nos pains, nos mils nos condiments. Le soir les femmes se rassemblent pour nettoyer les tapis et elles gagnent aussi dedans. Mais le dragage a permis a beaucoup d’arrêter le vol les braquages parce les apprentis gagnent aussi. Les plongeurs aussi il y a des prostituées aussi qui cessé la prostitution à cause de ça, car si elles ne peuvent pas cuisiner, elles peuvent nettoyer on peut pas citer toute l’importance du dragage. »
A la différence de ceux qui soutiennent la pratique du dragage, il y a d’autres qui mettent l’accent sur les inconvénients du dragage. Elle n’est pas sans impact négatif sur l’environnement. Il est ressorti que les conséquences du dragage sont multiples et variées. Cette posture est soutenue par la plupart de nos enquêtés durant les entretiens. 75,2% des répondants affirment que le dragage dégrade l’eau du fleuve et de cela découle une pénurie de poissons. Le dragage cause d’énormes problèmes sur l’environnement (le fleuve en particulier) et la santé publique parce que les dragueurs utilisent les produits chimiques. Ces derniers peuvent non seulement tuer les poissons, étancher le fleuve à long terme et en enfin le trouble et destruction de l’eau du fleuve. Les propos de Mme Bakayoko K. Doumbia, est très explicite là-dessus :
« Je ne vois aucune importance que des inconvénients, en tout cas les pratiquants trouvent de l’argent mais les conséquences sont pour les habitants de la ville. Auparavant les bozos trouvaient tellement de poissons, selon eux le bruit de la drague fait fuir les poissons. Il n’y a plus de poisson, maintenant les bozos font de l’agriculture, ils lavent les bancos des orpailleurs pour pouvoir se nourrir, ils font également le labour, personne n’a connu un bozo comme ça mais les bozos de wassoulou font ça. Souvent celui qui fait la vente des poissons ne parvient pas à trouver les poissons pour sa famille, souvent 1kg voir 2kg alors que dans le temps passé ils pouvaient partir avec environ 200 kg. »
Dans le même sens K. Diarra, vendeuse de poissons, soutient que, « On remplissait des tasses et ça pouvait aller à 10 kilos. Ça fait 23 ans que je suis ici, l’eau n’était pas comme ça, cette année elle a beaucoup changé, elle contient trop de poussière maintenant. Le dragage n’a aucune importance sur nous, ça nous apporte que malheur. » Tout comme Mme Traoré A.M. Diakité « Pourquoi nous disons que l’étude des jeunes filles n’avance plus à cause de l’orpaillage. C’est avec les dragueurs qu’elles travaillent pour laver les bancos dans ce cas il peut avoir des violations, les divorces car pour un seul travail, ils peuvent donner 200 000 F CFA, 100 000 F CFA. Une fois que la drague s’installe les filles, qu’elles soient petites ou grandes vont en masse car elles trouvent de l’argent avec les dragueurs. Donc il y a viole en ce moment après il y a les maladies et les grossesses non désiré souvent on a du mal à connaître le père de ces enfants. Je ne vois pas d’avantages. »
Il y a également la pollution sonore qui a des répercussions sur les femelles de poisson en gestation surtout en début de gestation qui empêche la reproduction chez les poissons :
« D’après ce qu’on apprend des gens, les produits chimiques qu’ils utilisent sur les fleuves [mercure] peuvent tuer les animaux, les poissons et on peut même ne pas utiliser l’eau de ces fleuves pour nos besoins à cause des produits utilisés par les dragueurs. Ce qui nuit à la santé des animaux peut forcément nuire à la santé des hommes. Ca peut causer des maladies dont on n’aura pas de médicament parce qu’on ne peut pas chercher de médicament à une maladie dont on ne connaît pas la cause, » selon A. Diakité.
83 % des enquêtés affirment l’usage des produits chimiques dans les eaux durant les activités d’extractions alors que ces eaux sont utilisées pour la cuisine, la vaisselle, le linge et parfois la consommation. Ces produits sont très dangereux pour les poissons, les humains et l’écosystème en général. En même temps, le bruit des machines utilisées pour les creusages accompagnés des déchets chimiques détruit les œufs des poissons. 34,9% des répondants se plaignent des dragueurs, car ces derniers dégradent la forêt en y déversant des produits chimiques et en coupant des arbres. B. Diallo aborde dans ce sens « Quand on prend le mercure par exemple, les poissons l’aiment beaucoup, ce produit quand il est versé dans l’eau les poissons ne peuvent s’en passer et la quantité consommée dépend de l’âge ou le poids du poisson. Les gros poissons qu’on peut trouver dans ces fleuves sont ceux qui consomment plus de mercure et on doit éviter leur consommation hors c’est ce que nous on aime ces gros poissons l’estomac ne peut les digérer. Le mercure dans un produit consommable la digestion est impossible. »
Il y a aussi la déforestation qui s’accélère à travers le dragage ainsi que le risque de perte de vie humaine qui est très grand dans le dragage. Les travailleurs aux dragues peuvent mourir dans l’eau sur les sites d’exploitation sans que les employeurs ou collègues n’informent ni leur famille, ni les autorités. Les dragueurs ont un moyen de donner de l’air (oxygène) à leurs collègues qui sont sous l’eau à travers un tuyau. Cette pratique d’oxygénation peut être fatale si l’oxygène se coupe de façon volontaire ou involontaire à ceux qui sont sous l’eau. Ces probabilités de situation mortelle, dont on n’en fait pas souvent des débats, peuvent être possibles quand un travailleur qui récolte beaucoup d’or par rapport aux autres, suscite de la jalousie de la part de ses collègues, qui lui coupent l’oxygène et prennent possession du fruit de son travail.
Le dragage met en péril la vie de nombreuses personnes à cause d’intérêts égoïstes de quelques-uns parmi lesquels certaines autorités communales ou coutumières. Celles-ci profitent de la situation d’instabilité des dragueurs pour leur soutirer de l’argent.
Vu ces énormes inconvénients, l’on se pose la question de l’encadrement de cette pratique du dragage dans la commune.
La lutte contre le dragage : Un défi pour les autorités locales?
La question du dragage est transversale dans la mesure où le dragage se pratique dans les cours d’eau qui traversent plusieurs communes, voire cercles et régions. Le dragage est interdit par la loi N°062 du 29 décembre 2014 qui gère la pêche et l’aquaculture au Mali. C’est l’article 53 de cette loi qui interdit la pratique de dragage et l’article 125 de la même loi punit à une amende de 25 000F CFA à 500 000F CFA et d’un emprisonnement de 11 jours à trois mois ou l’une de ces peines seulement contr les contrevenants de cette loi.
En vertu de cette loi et vu les aspects néfastes du dragage dans la commune de Wassoulou-Ballé, les autorités communales ont décidé de suspendre le dragage avec le soutiens et la demande de la population. « Le cercle de Yanfolila compte 12 communes mais notre commune précisément qui est Wassoulou Ballé n’a plus de drague sur le fleuve, car en collaboration avec les chefs coutumiers, la mairie nous avons pu prendre des mesures pour chasser les pratiquants, » selon Souleymane Sidibé, président du conseil local de la jeunesse du cercle de Yanfolila.
Dans le même sens, B. Diawara, Président du conseil communal de la jeunesse de Yanfolila, relate les facteurs de réussite de ce combat : « Nous avons mobilisé les hommes, les femmes, le patriarche (gaw-tigi, paix a son âme) de Yanfolila. Ceci était notre force principale. Les chasseurs (Donsos) et les pêcheurs (Bozos) ont tous joué un rôle important dans la lutte contre la pratique du dragage et l’appuis de Mme le Maire qui a même été claire avec les conseiller de ne pas mettre l’argent de la drague dans son budget communal. C’est ce qui nous a poussé à réagir. »
Mais malgré cette suspension et les différentes missions de déguerpissement avec les pertes que cela peut coûter, les orpailleurs par le drague refusent de quitter certain lieu comme l’explique B. Diawara : « Ça vaut neuf mois aujourd’hui que nous avons mis fin à la pratique du dragage dans la commune de Wassoulou Ballé, malheureusement dans beaucoup de communes ils n’ont pas puis arrêter la pratique ça continue toujours à exister. » Selon O. Sidibé, originaire du village Badogo, radiologue au grand hôpital de Yanfolila : « Il y’a les revenus de certaines personnes qui sont liés à ce travail et qui n’ont pas cessé le travail du dragage. »
A cet effet, il ressort de l’étude que le service local de la pêche ne peut pas par manque de moyens logistiques et équipements sécuritaires couvrir tous les sites qui sont au nombre de 20 dans le cercle de Yanfolila. Et le pire est que certaines dragues appartiendraient à certaines autorités de l’Etat établies à Bamako.
Face à cette situation M. S. Sidibé, disait: « Dans les autres communes nous avons essayés, le 30 et 31 nous avons fait un forum de la jeunesse au cours duquel on a décidé que la pratique soit réglementée. C’est ce qu’on a demandé aux autorités car c’est nous qui sommes les pratiquants et s’il faut qu’on se querelle pour ça encore. Nous avons vu que cela n’a pas davantage, maintenant ce qu’on peut faire c’est essayer de réglementer la drague soit d’arrêter afin que l’environnement puisse être protégé. Nous avons fait des analyses qui montrent que cette pratique peut créer des emplois, car la pinasse qu’ils utilisent peut servir d’extraire le sable dans le fleuve au lieu qu’elle soit là pour le dragage et ça va donner des revenus. »
Conclusion
Le dragage est une pratique réelle dans l’orpaillage dans la commune de Wassoulou-Ballé. Si globalement il engendre la dégradation des cours d’eau et de l’environnement (contamination de l’eau avec des produits chimiques, la pollution de l’air par les hydrocarbures, le déséquilibre dans l’écosystème aquatique). Les perceptions des enquêtés varient à ce sujet. D’une part il y en a qui voient en dragage une source d’emploi pour les jeunes, d’autres par contre mettent l’accent sur les inconvénients du dragage sur l’environnement, et la société avec les pertes en vie humaine qu’il peut engendrer. Les avantages de cette pratique sont considérés comme minimes comparés aux inconvénients qui mettent en péril la vie de nombreuses personnes.
La commune de Wassoulou-Ballé est une exception dans l’encadrement de la pratique du dragage parmi 12 communes. Elle a pu stopper pour le moment le dragage. Mais dans d’autres communes du cercle de Yanfolila, la pratique continue.
Si l’on s’en tient au fait que certains pensent que le dragage apporte de l’argent et qu’il crée de l’emploi, il serait mieux prévenir ses conséquences que de guérir. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités face à cette exploitation d’or sous l’eau tout en mettant aussi en place des alternatives afin que ceux qui vivent de cette activité ne tombent pas dans l’inactivité et que les problèmes liés à cette pratique puissent diminuer.
L’allure à laquelle le dragage est pratiqué sans encadrement effectif nous amène à croire que d’ici 10 à 15 ans, si les autorités n’arrivent pas à bout de son encadrement, nous assisterons à des situations de conflit.
Remerciements
Nos remerciements vont à l’endroit de toutes les personnes qui de près ou de loin ont permis la réalisation de nos activités. Nous remercions les populations d’accueil de la commune de Wassoulou-Ballé : les responsables administratifs, politiques et coutumiers, les leaders communautaires, les leaders des femmes, des jeunes, sans oublier V4TA/PGLR+ qui nous ont donné les moyens mener cette étude dans notre terroir d’origine.