La ville de Tombouctou est née de la rencontre des peuples et des cultures. C’est pourquoi, elle est cosmopolite, multiculturelle et multiethnique. Elle rassemble plusieurs communautés qui depuis des lustres vivaient le plus souvent en symbiose. Les principaux groupes ethniques qui vivent dans la commune sont : les Songhaïs, les Maures, les Arabes, les Tamasheqs, les Bozos. Ainsi, la culture tombouctienne est la somme des apports de ces différentes ethnies et communautés qui cohabitent ensemble.
Dans cet article nous nous intéressons à une pratique traditionnelle de notre pays à savoir ‘la parenté à plaisanterie’ ou ‘le cousinage’ appelé sanankouya en bamanankan. Cette pratique pourrait trouver toute son importance dans la situation actuelle de Tombouctou, car la commune s’est retrouvée dans une situation de violence dont la solution peine à être trouvée. L’objectif recherché dans cette étude est de comprendre l’impact de la parenté à plaisanterie dans la gestion des conflits à Tombouctou.
Tombouctou dans la crise
C’est le 1er avril 2012 que la ville de Tombouctou a renoué avec le fracas des armes depuis la fin de la rébellion des années 1990.[1] Depuis, la commune est confrontée à une crise multidimensionnelle malgré la fin de l’occupation djihadiste de dix mois. Pour rappel du mois d’avril 2012 à janvier 2013, les habitants avaient vécu dans la guerre, la torture, les vols et les viols, etc. Et depuis, le contexte sécuritaire n’est pas encore apaisé. La présence des FAMas (Forces Armées Maliennes) et des forces de la Minusma n’a pas permis de maîtriser la situation. Et la ville devient de plus en plus effrayante du fait que des malfaiteurs se donnent le pouvoir d’agresser n’importe qui et à tout moment. Nous constatons également depuis plus d’une année, le constant sabotage des infrastructures des opérateurs de téléphonie mobile avec son corollaire l’arrêt de service de certaines banques. Malgré la présence et le fonctionnement des services sociaux de base, des organisations internationales, des associations locales à Tombouctou, nous constatons la méfiance et des tensions au sein des différentes communautés notamment entre les peaux rouges et les peaux noires dont certaines sont d’origine serviles. Les braquages et assassinats ciblés sont presque devenus le quotidien des Tombouctiens à cause de la présence d’éléments incontrôlés issus des nombreux groupes armés nés à la faveur de la crise. Cela impacte négativement sur la cohésion sociale et le vivre ensemble bien que la vie continue.
Pour pallier à tous ces problèmes cités, le recours est fait à divers moyens comme des manifestations pour dénoncer l’insécurité, la sensibilisation pour l’instauration d’un climat de paix. Il y a même un festival dénommé ‘Festival du vivre ensemble’ qui a vu le jour en 2017. Il se tient chaque année dans la ville de Tombouctou avec comme objectif de rassembler toutes les communautés.
Parmi les voies de recours pour apaiser les tensions à Tombouctou, il y a un lien coutumier entre les communautés la parenté à plaisanterie. Celle-ci a toujours occupé une place importante dans la gestion des conflits. A Tombouctou, la parenté à plaisanterie lie les communautés les unes aux autres. Presque toutes les communautés de Tombouctou sont liées par la parenté à plaisanterie entre elles et avec d’autres communautés, mais la plus répandue, la plus célèbre, la plus ancienne et la plus connue de tous est celle qui est entre les Sonrhaïs et les Dogons. Cette parenté entre les différentes communautés tire son origine des histoires, des récits et des légendes. Mais vu sa particularité qu’est la plaisanterie avec un caractère non contraignant, nous nous demandons si elle peut servir à la réconciliation quand le conflit atteint un certain seuil de gravité comme dans un conflit armé où il y a eu la guerre et des massacres. Notre constat est que dans ces cas précis, les gens semblent oublier la parenté à plaisanterie. C’est ainsi que d’autres pensent qu’il faut d’abord s’institutionnaliser en temps de paix pour qu’elle puisse servir et être utile en temps de guerre.
C’est pour comprendre davantage cette pratique que l’antenne de V4TA de Tombouctou a initié cette recherche sur la place de la parenté à plaisanterie dans la gestion des conflits à Tombouctou.
Approche méthodologique
Au cours de cette étude, nous avons mené plusieurs entretiens dans le but de collecter des données qualitatives et quantitatives sur l’importance de la parenté à plaisanterie dans la gestion des conflits à Tombouctou. Les enquêtés qualitatifs des différentes personnes des organisations et couches sociales nous ont donné leur opinion sur la question de l’étude. Dans ces enquêtes, les experts ont également partagé leur expérience. Le qualitatif a été utilisé pour comprendre l’opinion des répondants sur la parenté à plaisanterie notamment les historiens et toute personne ressource. Le quantitatif a été utilisé pour comprendre la représentativité sur certaines opinions. Un groupe s’occupaient des interviews semi-structurées, qui laissaient aussi la parole aux personnes interviewées et on a eu à partager les émotions avec eux.
Au cours de cette étude nous avons interrogé des historiens, des leaders d’association, des jeunes des différents quartiers. Pour la recherche qualitative nous avons enquêté 9 personnes dont 2 femmes et 7 hommes et pour la recherche quantitative nous avons enquêté 106 personnes réparties en 44 femmes (42% des enquêtés) et 62 hommes (58% des enquêtés). Donc la taille de notre échantillonnage fait au total 115.
Pour chaque entretien qualitatif, il y avait une personne pour poser des questions et une autre pour prendre des photos et faire la vidéo. Les informations obtenues durant les entretiens ont été transcrites et analysées par la suite. Les données quantitatives sont traitées pour dégager les pourcentages et graphiques.
La cohabitation des communautés à Tombouctou malgré les conflits
Il ressort dans le rapport sur ‘La paix de Tombouctou’ par Robin-Edward Poulton et Ibrahim ag Youssouf (1999) que l’harmonie entre les diverses ethnies au Mali surprennait les visiteurs originaires d’autres régions d’Afrique. Entre les groupes de population établis le long du fleuve Niger existent des relations de voisinage basées sur le respect mutuel et l’interdépendance se traduisant une sorte de capital social. A Tombouctou, c’était le cas selon nos interlocuteurs qui affirment qu’il y avait vraiment une symbiose entre les familles d’abord et entre les communautés. Ils nous expliquent qu’auparavant c’était la grande famille qui cohabitait ensemble, vous trouverez deux à trois générations qui vivaient sous un même toit ou côte à côte, les gens vivaient en parfaite symbiose avec un règlement de différend qu’on appelle la parenté à plaisanterie. C’était des communautés qui ne connaissaient pas de couleurs, ni de races; le mariage interethnique était vivace. Toujours selon nos enquêtés, le lien de mariage était très fort, les gens étaient très respectueux, ils vivaient surtout dans une ville très prospère malgré les préjugés. Et les communautés célébraient les différentes cérémonies ensemble. On pouvait passer l’année sans entendre de querelles entre les gens comme l’affirmait un enquêté : « Avant on savait ce qui se passait chez le voisin, on savait s’il avait mangé ou pas, on se demandait, on passait chaque matin devant le voisin à le saluer. On dépose les sacs de riz ou de mil ou on envoie quelques mets délicieux. »
C’est dans ce sens que Monsieur S.C. Alpha, un écrivain et chercheur montrait que :
« A Tombouctou, il n’y a pas eu un grand changement. Avec tout ce qui est conflit conventionnel, les communautés vivent ensemble comme si rien ne s’était passé. Notre cohabitation est sans clivage par exemple en Guinée vous trouverez dans les quartiers des Sosos qu’il n’y a pas quelqu’un d’autre qui habite là-bas en dehors d’eux, également en côte d’ivoire, quand c’est une ethnie, c’est l’ethnie les autres ne peuvent même pas passer par là. Tandis que si nous prenons le cas du Mali, quand on prend Niarela il n’y a pas que seulement des Niarés, de même quand on prend Boré il n’y a pas que des Bozo, on sent qu’il y a cette implication qui fait que les choses n’ont pas changé. Même quand on prend la dernière occupation avec la libération les gens disaient on va faire ceci on va faire cela mais ils ne feront rien ils ont tout oublié donc selon moi l’essence n’a pas changé. »
Cependant les données de terrain montrent que cette cohabitation a tendance à diminuer. Car selon certains de nos interviewés, l’état des lieux de cohabitation des communautés a connu des changements au fil du temps, notamment depuis la rébellion de 1990.[2] D’autres pensent que c’est après les événements de 2012 qui ont bouleversé le nord du Mali que ces changements sont constatés.
Le changement majeur c’est après la rébellion de 1990, c’est une rébellion menée par des populations arabo-berbères, donc les Arabes et les Touaregs. A partir de là, le stéréotype sous l’angle de catégorisation de la population en noir et blanc est developpé entrainant beaucoup de méfiance et de rupture.
Selon M. Sangaré, président d’une Association : « Cette cohabitation a beaucoup changé au fur et à mesure, il y a toujours eu des améliorations des mœurs changées et délaissées. Quand on pense aux différentes dominations de la ville qui ont impacté les changements de la cohabitation. Tombouctou a toujours été dominé et n’a jamais résisté de sa création à nos jours. La domination : Manding, Peul, Touareg, Toucouleur, Mossi, Bambara jusqu’à la domination de l’empire du Mali. Elle n’était pas dans l’empire du Mali ni dans celui du Ghana. Chaque peuple dominant impose sa culture. C’était un espace d’échange, un marché international. »
Les communautés célèbrent ensemble la cérémonie de crépissage. La journée de crépissage de la grande et fameuse mosquée Djingareiber de Tombouctou. Chaque année, les Tombouctiens entretiennent cette mosquée classée patrimoine culturel de l’Unesco afin de la restaurée. Vidéo produite par reporter Randane Ould Barka.
La parenté à plaisanterie vue comme un mécanisme de la stabilité
L’UNESCO dans sa neuvième session du comité intergouvernemental considère la parenté à plaisanterie comme une pratique sociale qui s’exerce entre individus, groupes et communautés ethnolinguistiques pour promouvoir la fraternité, la solidarité et la convivialité. Cette parenté résulte souvent d’un pacte ancestral interdisant les conflits ou les guerres entre les communautés en question, et implique que ses membres doivent s’aimer et se porter mutuellement assistance si nécessaire. Les membres ont le devoir de se dire la vérité, de plaisanter ensemble et de mutualiser leurs biens respectifs, en sachant que tout différend doit se régler de manière pacifique. C’est une pratique répandue dont Tombouctou.
Il ressort de nos interviews que la parenté à plaisanterie est perçue comme un mécanisme de stabilité, qui permet de réduire les différentes tensions sociales entre les individus de différentes communautés. Cette parenté à plaisanterie permet de renforcer les différentes relations entre les membres d’une communauté, elle créée une sorte de pacte qui fait que leurs descendants ne vont jamais se faire du mal et qu’ils vont s’accepter un certain nombre des choses dont le fait de se chambrer, de s’amuser, de se dire des choses pour rire et plaisanter. C’est en quelque sorte, une quête permanente de maintien de la cohabitation pacifique.
Histoire de la parenté à plaisanterie à Tombouctou: Cas des Dogons et Sonrhaï
Nombreuses d’histoires, d’anecdotes lient la source de la parenté à plaisanterie par exemple entre Sonrhaï et Dogon à une histoire d’or. Cette histoire dans laquelle le Sonrhaï dit que le Bambadjé, celui qui vient de Bamba région de Gao, n’est pas intelligent se serait passé ainsi :
« Deux amis qui sont partis chercher de la richesse, et au retour chacun d’eux a eu 3 kilos d’or, le Sonrhaï était le seul qui détenait un sac, alors le dogon lui demanda de lui garder son or. Arrivé à une intersection, le Dogon demanda à son ami de lui remettre ses 3 kilos d’or car il aimerait emprunter un autre chemin, le Sonrhaï répondu disant qu’il n’a pas d’or avec lui. Après s’être chamaillés, ils se sont rendus chez le chef du village le plus proche lorsqu’ils arrivaient on demanda au Dogon ses doléances, il dit avoir 3 kilos d’or dans le sac de ce monsieur et il refuse de les lui remettre. Le Sonrhaï répondu, moi je n’ai que 6 kilos d’or dans mon sac et c’est pour moi. Ils ont ouvert le sac et ils trouvèrent 6 kilos d’or. A la sortie le Dogon lui dit toi le Sonrhaï tu es un voleur et lui répliqua toi le Dogon tu es un con, tu es bête, » selon les mots de S.C. Alpha.
En 2012, lors de l’occupation des villes du nord du Mali, l’Association Ginna Dogon avec à sa tête son président accompagné d’une forte délégation s’est rendu à Tombouctou pour s’enquérir des conditions de vies des populations suite aux nombreux préjugés faisant croire au monde extérieur que les rues de la ville sont devenues des cimetières. Ce déplacement a été fait sur la base du lien fort de parenté à plaisanterie qui lie les Dogons et Sonrhaïs.
La place de parenté à plaisanterie dans les différentes voies de recours pour apaiser les tensions à Tombouctou
Plusieurs acteurs interviennent dans la gestion de conflit notamment : la corporation des maçons, des bouchés, les chefs des quartiers, les groupes maraboutiques etcetera. Il y a également les djihadistes qui interviennent pour régler des conflits au cas où ils sont sollicités. Les cadis sont les juges transitionnels qui interviennent dans le domaine du divorce, de l’héritage de succession etcetera. A travers le graphique ci-dessous nous avons les autres acteurs.
Il ressort également des entretiens qu’il y a deux familles à Tombouctou dénommée ‘la famille Lallankoye’ qui seraient venus du Yemen. Leur rôle est de gérer les conflits. Dès qu’il y a un conflit entre frères, entre familles, elles doivent obligatoirement faire la médiation. Selon un répondant : « Quand ces deux familles vous demandent de faire la paix, vous êtes obligés de l’accepter, sinon vous allez vous attirer la colère des anciens, des djinns ou autre chose. » Ce passage nous donne un autre regard des moyens d’apaisement de conflits à travers des médiateurs sociaux.
Au-delà ces voies et mécanisme évoqués, à travers les résultats des données collectées sur le terrain, nous constatons que les communautés usent de plusieurs moyens de recours pour apaiser les tensions à Tombouctou comme nous le montre ce graphique ci-dessous.
La parenté à plaisanterie est une des voies pour apaiser les tensions sociales entre les individus, c’est-à-dire un moyen principal de règlement de conflit. Un mécanisme de stabilité trouvé par les hommes qui prend sa source dans l’histoire, une espèce de pacte qui fait que des communautés ne doivent jamais se faire mal et qu’elles doivent accepter un certain nombre de choses avec tolérance. Toutefois les témoignages montrent que sa pertinence est modérée face aux conflits armés. Mais qu’à cela ne tienne, son positionnement parmi les modes de règlement des conflits amène les uns et les autres à dire que pour donner plus de force à la parenté à plaisanterie il faut l’institutionnaliser en créant des gardes fous qui le protègent.
Perception de la population sur l’impact de la parenté à plaisanterie dans la gestion des conflits
Il ressort des interventions des différents enquêtés, que la parenté à plaisanterie a un impact très important dans la gestion des conflits, parce qu’elle permet à une communauté à différentes ethnies de pouvoir cohabiter, de communiquer, c’est aussi un régulateur qui permet de prévenir et quand l’irréparable arrive ça permet de régler comme l’affirmait Baba Moulaye, président des forums de la Société Civile.
« C’est un instrument très important qu’il faut toujours mettre à profit. C’est un moyen qui permet de rentrer en contact direct avec une communauté pour se faire entendre. C’est une technique dont il faut être très jalouse. Si c’est à vendre on allait le faire pour se faire de l’argent. »
Dans le même sens, Madame Arby Kongno Tandina, une artisane de profession, pense que la parenté à plaisanterie a un impact considérable, quand elle témoigne avoir vécu des cas de conflits interpersonnels qui ont automatiquement prit fin quand l’autre partie a su qu’elle avait un lien de parenté à plaisanterie entre elles. Pour Madame Arby Kangno Tandina : « La parenté à plaisanterie permet d’éviter beaucoup de problèmes tels que : la division des familles, le déshonneur, la traîne en justice etcetera. »
Comme Madame Arby Kangno Tandina, Monsieur Mohamed Ibrahim Yattara pense que la parenté permet d’éviter d’aller à la justice, elle permet d’éviter qu’un problème soit répandu ou qu’il se manifeste par la violence.
Bien que les mérites de la parenté à plaisanterie soit décrit dans les témoignages ci-dessus; il faut cependant garder à l’idée que les avis divergent. Par exemple Ben Assayouti, Chef de la mission culturelle de Tombouctou, professeur de lettres à Tombouctou, trouve qu’il faut avoir des réserves de son efficacité face à un conflit d’une certaine ampleur quand il dit :
« Je ne suis pas trop convaincu que ça puisse jouer un rôle très important dans la gestion des conflits, ça pourrait l’être. La parenté à plaisanterie c’est juste pour plaisanter. Quand il y a des guerres, des conflits armés, des massacres c’est plus qu’une plaisanterie, on ne peut pas plaisanter avec ça, généralement c’est le moment où les gens oublient tout ça. On a bien vu pendant l’occupation de Tombouctou en 2012, où on a essayé d’utiliser les dogons pour éteindre le conflit mais ça n’a pas marché. Le domaine de la parenté à plaisanterie est celui de la distraction, jusqu’à présent ça n’a pas permis de régler grand-chose. Pour que ça puisse servir comme moyen de gestion de conflit c’est en temps de paix qu’on peut l’institutionnaliser et faire en sorte que quand il n’y a pas de paix ça peut resurgir. »
Le graphique suivant indique la perception des enquêtés sur l’importance de de la parenté à plaisanterie dans la gestion des conflits à Tombouctou :
Conclusion
Tombouctou, ville cosmopolite et multiculturelle où il faisait bon vivre a fait l’objet de crises profondes qui a touché son climat de convivialité de vivre ensemble. Le recours est fait à des divers mécanismes de vivre en paix dont la parenté à plaisanterie. Cette étude a permis de comprendre la pratique de la parenté à plaisanterie à Tombouctou dont la plus répandue est celle entre les Dogons et les Sonrhaïs. La parenté à plaisanterie est vue comme un mécanisme de stabilité mais d’une portée relative. Cette relativité de la portée de la parenté à plaisanterie comme mécanisme de stabilité est fonction de l’ampleur des conflits. C’est en ce qu’au même moment que certains pensent que la parenté à plaisanterie joue un rôle important dans les relations sociales à Tombouctou; d’autres trouvent qu’elle joue peu de rôle dans le règlement des conflits armés. Ce qui fait dire certains de l’institutionnaliser en temps de paix pour qu’elle puisse servir en cas de conflit.
Certes, la parenté à plaisanterie marque des limites face au conflit armé; mais quelle serait une cohabitation et un vivre ensemble sans une parenté à plaisanterie entre les cousins à Tombouctou ?
[1] Tout comme les autres régions du Nord-Mali, la région de Tombouctou a connu, de 1990 à 1995, une période de forte déstabilisation. La rébellion du Nord, commencée au début des années 1990, ne s’achève réellement qu’en mars 1996 à la cérémonie de la « flamme de la paix » à Tombouctou, malgré la signature du Pacte national dès 1992. Cette « rébellion » a été une période de tourmente où les corollaires de toutes sortes de conflits se sont exprimés (violence, deuils, appauvrissement, exil, méfiance, rejet de l’autre) (Marie-Jo Demante, 2005).
[2] Comme le montre Rémi Grimard dans sa thèse de 2016 « Les préjugés raciaux entre les « blancs » et les « noirs », entre les Touaregs libres et non libres ou d’ethnie non touarègue, influenceront la vision de chacun de ces groupes en ce qui a trait à la place de l’« autre » ..(…).. des populations « noires » s’organisèrent sous Ganda Koy et furent rejointes par la caste inférieure des Touaregs démontrant avec force les oppositions hiérarchiques et le manque de cohésion de l’entière ethnie temacheq. »
Références
El Hadj Djitteye. 2016. ‘‘Comment les blagues relient les relations entre les peuples dans la nation ouest-africaine du Mali’’. Tombouctou : Terre de paix et de culture https://timbuktu-lopac.tumblr.com/post/146631123301/how-jokes-bridge-relations-between-peoples-in-the
Marie-Jo Demante. 2005. ‘‘Crise, développement local et décentralisation dans la région de Gao (Mali)’’ Afrique contemporaine 2005/3 (n° 215), pages 195 à 217
Mia Sogoba. 2018.’’Relations à plaisanterie’’ https://www.culturesofwestafrica.com/fr/parente-plaisanterie/
Mohamed Ag Allou. 2018. ‘‘Ces préjugés qui divisent les Maliens du Sud et du Nord ‘‘ dans Bembere https://benbere.org/au-grin/prejuges-divisent-maliens-sud-nord/
Rémi Grimard. 2016. ‘‘La cohésion ethnique touarègue face aux forces centrifuges de la hiérarchie statutaire et des luttes pour la représentativité temacheq’’ Thèse soumise à la Faculté des études supérieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de maîtrise en science politique
Robin-Edward Poulton et Ibrahim ag Youssouf. 1999. ‘‘La paix de Tombouctou Gestion démocratique, développement et construction africaine de la paix’’ UNIDIR
UNESCO ‘‘Neuvième session du Comité intergouvernemental (9.COM)’’ https://ich.unesco.org/fr/RL/pratiques-et-expressions-de-la-parent-plaisanterie-au-niger-01009.