Quels défis et changements dans leur engagement socio-politique ?
Dans le cadre du processus de sortie de crise, de pacification et de consolidation de la paix, les femmes jouent un rôle très important notamment dans les régions du Nord et du centre du Mali, durement touchées par la crise de 2012. Plusieurs partenaires techniques et financiers ont accompagné les communautés de ces deux régions pour le retour de la paix et du vivre ensemble. La plupart de ces soutiens sont en faveur des jeunes et des femmes actifs et engagés. Ce choix s’explique par le fait qu’ils sont considérés comme représentants une majeure partie de la population, mais aussi parce que c’est en général les couches oubliées dans les processus de gestion de conflits.
A Macina, la crise de 2012 a eu d’énormes conséquences sur la vie sociale et économique. Le cercle a connu une instabilité sociale dû aux différentes crises qui se sont succédées avec des répercussions sur les activités génératrices de revenus des femmes. Beaucoup de personnes notamment les femmes ont vu leur commerce prendre fin par manque de moyen financier ou tout simplement à cause de l’absence de clientèle conjugués à l’insécurité qui sévissait dans la zone. Le retrait des partenaires financiers en est une cause réfutable. Ce retrait est en partie dû à l’insécurité qui sévit dans la zone. Les partenaires techniques et financiers sont très souvent pris pour cible lors d’attaques et/ou d’enlèvements, une situation instable qui rend difficile la mise en œuvre des activités parmi lesquelles, il y’a l’assistance des populations en détresse, et/ou l’accompagnement des femmes à des activités génératrices de revenus, lesquelles contribuent au développement socio-économique de la commune entre autres.
Des années après la crise, les femmes à Macina ont commencé à s’impliquer activement dans la vie publique et politique par le biais d’associations et de groupements de femmes, à travers lesquelles elles sont engagées et représentées, mais aussi l’engagement personnel de certaines femmes leaders au sein même de leur commune est salutaire. Lors des recherches et enquêtes réalisées par les jeunes du projet Voice4Thought Académie dans la commune de Macina, Leila Dicko, une femme Leader et très engagée dans sa communauté raconte ce qu’elle pense : « Entreprendre des Activités Génératrices de Revenus (AGR) et mettre au profit de la population, ne pas vendre ses voix est ce que doit penser toute femme censée et soucieuse du développement communal. L’engagement des femmes dans la politique doit être une occasion de s’unir, de s’entendre et non de se déchirer entre femmes, comme on a l’habitude de voir avec certaines… ». Ce genre d’engagement et d’implication contribuent à la gestion commune des affaires au sein de la communauté mais aussi à une meilleure consolidation de la paix à travers l’influence que ces femmes peuvent avoir en tant que représentantes de réseaux et d’associations de femmes portant ainsi la voix de toute une communauté.
En outre, Leila Dicko explique : « l’analphabétisme et/ou l’ignorance de la plupart des femmes est la source de beaucoup d’incompréhensions dans la commune de Macina. Sur 500, tu trouveras au maximum que 10 femmes instruites… ». L’analphabétisme serait donc la base de plusieurs de ces maux conjugués à la situation précaire de certaines femmes qui par méconnaissance s’adonnent à des activités sans intérêts. La compréhension d’un certain nombre de droits, de devoirs et surtout de rôles envers sa société passe par la conscientisation de toute une génération. Comprendre son rôle et ses devoirs envers sa société revient à s’impliquer activement dans la voie du développement communal.
Les femmes ont connu assez de difficultés pour leur participation active dans la vie publique. Le retour progressif d’organisations internationales a été une occasion pour beaucoup de femmes à Macina de mettre à profit leur engagement personnel et collectif afin de participer aux actions vers un changement et futur meilleur. Dans le cadre du processus politique et notamment du retour de la paix, les femmes de Macina mènent des activités notamment, les dialogues et échanges autour des questions de paix et sécurité. Elles apportent une contribution majeure. En outre, elles font aussi un travail de suivi lors des élections pour veiller au respect du quota des 30% exigé par la loi N°2015-052/ Du 18 Décembre 2015 Instituant Des Mesures Pour Promouvoir Le Genre Dans L’acces Aux Fonctions Nominatives Et Electives. Cette loi dans son article 1er précise : « A l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 % ». Leila Dicko explique : « lors des élections législatives passées à Macina, les Femmes ont interpellé les autorités en place pour savoir pourquoi parmi les (2) députés choisis il n’y avait pas de femmes ? La réponse reçue : la loi exige 30% et non 50%, donc ce cas ne concerne pas Macina… ». Les femmes mènent un combat accru au respect des lois et des textes en vigueur. Mais les défis qu’elles rencontrent régulièrement sont énormes et difficiles à résoudre. En outre, les femmes suivent la mise en place des bureaux et des commissions pour veiller au respect des 30%. Ainsi, les femmes à Macina s’impliquent activement dans la gestion des affaires locales et communales tout en apportant leur contribution afin de se valoriser et de voir leurs droits respectés. Elles sont invitées aux réunions de la Mairie même si dans la prise de décisions, elles ne sont pour le moment pas très consultées.
En outre, les femmes de Macina mènent d’autres combats pour montrer de leur engagement et contribution dans le développement communal. En effet, dans le cadre de la lutte contre les violences basées sur le genre, les femmes de Macina à travers la CAFO (Coordination des associations féminines et ONG) mènent un combat pour que les femmes dans ces situations puissent connaître justice. Selon Leila : « Il doit y avoir une forte mobilisation nationale sur la question et une loi pour punir de telles crimes… ».
Par ailleurs, pour Leïla : « le combat mené par les femmes de Macina a des effets et apporte un changement en ce qui concerne les conditions des femmes, mais pour voir l’impact de tout ça, il faudra mesurer à long terme… »
A la fin de l’interview, Leila lance un appel aux autorités maliennes, je cite : « J’exhorte vivement les autorités à s’intéresser aux populations de toutes les régions du Mali, à toutes les couches sociales quelle qu’elle soit, afin d’assurer le développement du pays. Les jeunes et les femmes doivent travailler ensemble car ils constituent les piliers de la nation. »